jeudi 7 octobre 2010

Le rituel

Mercredi, comme à l’habitude en finissant le boulot, je me suis rendue au gym, histoire de faire un peu de course et évacuer mes petites frustrations quotidiennes. Après m’être entraîné 1h30, c’est complètement crevée que je suis rentrée chez-moi pour enfiler mon pyjama et me réchauffer un restant de tofu que mon ami m’a gentiment donné. À peine mon plat sortie du micro-onde, Britany cogne à ma porte et entre en coup de vent. : « Enlève ton pyjama tout de suite et mets cette jupe, c’est maintenant que ça va commencer! » : » Heu de kessé??? » La tente suante… Bon, ça m’a tout l’air important, je ne comprends pas trop c’est quoi, mais après tout, je me dit qu’une petite demi-heure de sauna ne me fera pas de tort après mon entraînement… Sauf que… Parfois, j’oublie que je suis à Pakua, que c’est une réserve et que la notion de spa est très relative… Je me suis donc rendue dans les bois avec mon amie,pour arriver à un campement où une 50 aine de femmes vaquaient a des occupations diverse. Il fait froid et noir mais un immense feu de camp nous éclaire. J’entre dans une tente pour revêtir mes habits traditionnels. Non, je ne vais pas au spa, je suis en train d’assister à un rituel de purification innu. Les femmes sont autour du feu, les tambours résonnent dans la noirceur, le ciel étoilé et la lune rendent la scène irréelle. Les danses macoushans débutent. Je me joint au groupe. Les esprits sont invoqués et je dois faire une offrande. Je lance dans le feu un mélange de tabac et d’herbes médicinales qui font comme de la poudre de perlinpinpin, il y a de jolies flammèches qui virevoltent partout. Les chants provoquent un genre de transe, une méditation commence. La chaman fait des cercles avec des plumes de corbeau et la fumée se dissipe en volutes grises. Une à une, les femmes entrent dans une petite tente ronde, faite de bouleau et de peau de caribou. Les incantations commencent. Une à une, les sept pierres symbolisant les sept ancêtres sont déposées au centre de la hutte. Un mélange d’herbe médicinale est saupoudré au-dessus des roches chauffées à rouge. Entre chaque incantation, de l’eau est versée sur les pierres et dégage une vapeur chaude. Je suis assise par terre sur des branches de sapins qui recouvrent le sol. Le rituel est organisé en quatre parties. Chaque partie symbolisent une partie de la vie, l’enfance, l’adolescence, l’âge adulte et la vieillesse. Il y a deux chant pour chaque partie avec des incantations avant et après chaque chant. Quand les parties finissent, la porte de la tente s’ouvre et 7 nouvelles pierres chaudes sont apportées Les chants débutent. Les premiers chants sont très doux, comme une lente berceuse. Ils symbolisent l’enfant. La tente symbolise le ventre de la mère. C’est chaud, humide et noir. Lorsque les chants de la deuxième partie débutent, les femmes se mettent à pleurer. Les chants sont beaux et tristes. Il y a une telle intensité et une telle tristesse dans la voix de la chaman que malgré la chaleur, j’ai la chère de poule et mon corps est parcouru de frissons. C’est vraiment étrange comme sensation. La vapeur se condense et l’eau perle sur ma peau. Mes habits sont trempés. L’air est lourd et embaume un mélange de plantes que je ne saurais décrire, mis a part l’odeur du sapin. La troisième partie débute et les chants de guerriers terrassent les tambours. Les femmes hurlent de toutes leurs forces. Je suis tétanisée par autant de violence dans leurs cris. C’est bestial, animal, ça ne sort pas des cordes vocales, c’est quelque chose qui gronde de l’intérieur. À travers ces cris et ces chants, je sais que les amérindiens sont un peuple de guerriers et de guerrières. Je passe par toutes sortes d’émotions, je vis une part de leur histoire. Je ne sais plus trop si c’est les gouttes de la tente qui tombent sur mon visage ou si c’est mes larmes. Ça doit être un mélange des deux. La quatrième partie débute. Les chants sont apaisé, joyeux et tristes. Indescriptibles. C’est la vieillesse. La porte s’ouvre, les femmes sortent. Pour les plus courageuses, il y a la cinquième relaxation. La chef me dit : « Fais une femme de toi, nous t’emmèneront dans les forêts au travers nos chants. » Alors je reste. Nous ne sommes plus que quatre ou cinq. Je suis complètement étendue par terre, totalement trempée, le visage sur les branches de sapins. L’air est si lourd, si chaud, j’ai du mal à respirer. La chef me dit que je dois prier pour vaincre cette chaleur. Je médite. Je pars. Je ne suis plus là. Je suis ailleurs. Le temps s’est arrêter et j’ai quitter la terre.




Je suis restée plus de 5 heures dans cette tente. Je ne peux pas vraiment expliquer tout en détail ce qui s’est passé, mais je me rappellerai toute ma vie mon premier rituel de purification.